Quand je vivais au Vietnam, le SDF qui dormait dans ma rue n'avait aucune rancoeur, aucune jalousie à notre égard. On se parlait souvent, et le jour où on a oublié notre clef sur la porte, dans la rue, il l'a prise pour la garder et a attendu dehors que l'on revienne pour nous la rendre. A Paris, je ne dis pas bonjour au Roms qui dorment devant ma porte. J'évite leur regard et je n'ose même pas imaginer la possibilité de leur confier les clefs de mon domicile. J'ai un peu honte, mais je gère ma conscience, je me dis qu'on a des gens pour s'occuper d'eux.
La société que nous avons construite est conçue pour que nous vivions côte à côte, et non pas ensemble. L'Etat, les institutions, les entreprises, se chargent de réguler tout cela, strate par strate, faisant ce qu'ils peuvent pour nous éviter le contact avec notre prochain. On accumule les lois et les politiques pour s'occuper des aveugles, des pauvres, des femmes, de la nature... pensant bien faire mais au passage, nous affranchissant de plus en plus de notre devoir de citoyen et du besoin de s'aider directement, de pair à pair.
Bref il faut recréer des ponts, nous reconnecter les uns aux autres. Parler à des inconnus doit redevenir possible.
Le plus urgent bien sur est de reconnecter les plus marginaux avec nous. Les candidats pour la case prison, les enfants sans parents, sans domicile... ceux qui sont en quête de sens, qui n'ont pas les moyens d'aller faire le tour du monde à sa recherche, ceux à qui manque une figure qui les inspire et qui, trop souvent malheureusement, tombent sur des maîtres à penser qui leur inculquent la haine de son prochain...
Selon la philosophie des gentils Barbares, il faudrait créer des connections, et au travers de celles-ci, apporter du Sens à ceux qui en demandent. Malheureusement le fossé qui s'est creusé est tel qu'une confrontation directe risque de mener à plus d'incompréhension et de conflit qu'autre chose.
De plus face à l'ampleur du défi, nous avons besoin de trouver une approche "scalable", capable de rendement d'échelle croissants, de sorte que nous puissions rapidement atteindre une dimension impactante. Dieu merci il n'existe pas de fichier exhaustif et nominatif, le monde n'est pas blanc ni noir. Mais nous pouvons utiliser la puissance du numérique pour permettre à l'offre d'atteindre sa demande, grâce à la fluidité de circulation de l'information.
Mettons donc en relation nos deux multitudes : la multitude des jeunes perdus et la multitude des barbares bienveillants. Chacun d'entre nous produit un message, porteur d'espoir, positif, constructif, qu'il met en ligne sur Internet. A chacun son style, son format (texte, dessin, audio, vidéo...), son message. Des courts et des longs, des durs et des mous, des conformistes et des rebelles... Comme des milliers de petites gouttelettes de Sens. Puis on demande à un algorithme de faire apparaitre ces messages aux personnes qui en ont le plus besoin, en fonction de leur profil et de leur préférences. La charge est à Google et Facebook de trouver avec qui tel ou tel contenu entre en résonance. Tant qu'ils n'ont pas trouvé, pas de clic, on ne les paye pas ! Et même, ils seront peut-être ouverts à nous donner un peu de crédit pour les premières semaines...
Proposition pour 31 mars : un petit coin-atelier où chaque barbare pourra venir produire quelques petites gouttes, sa petite vidéo, son, petit couplet.
Photo Martin Argyroglo |
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