J’aimerais qu’on arrête de se moquer de Cloudwatt. Cloud souverain ce n'est pas simplement Cloud français, et je m'inquiète que la distinction ne soit pas assez prise au sérieux.
Moi j’avais compris que la mission de Cloudwatt était de mettre en place le Cloud souverain Français. Je n’ai pas été très fort en histoire-géo à l’école, mais quand même j’ai retenu 2-3 choses :
- Lorsqu’une nation se dote d’un état pour assurer la paix civile, ses membres consentent à abandonner une partie de leurs libertés au profit du gouvernement qui les gère en imposant à tous des contraintes normatives (les lois).
- Ce même gouvernement se doit également de protéger ses membre des menaces étrangères, en garantissant l’indépendance de la nation. Assurer cette défense requérait de maîtriser les technologies permettant de fabriquer des armes, mais en temps de paix autant fabriquer des voitures, c’est plus utile et cela suffit à décourager les pays voisins. Du moins ceux qui n’ont pas la même maîtrise industrielle.
- Pour les autres, il y a une autre façon d’éviter un nouveau conflit qu’on a mis en pratique au XXème siècle entre la France et l’Allemagne, avec la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier : il suffit de mettre en commun précisément ces même ressources naturelles cruciales pour fabriquer des armes à l’époque.
Pourquoi est-ce que je vous parle de cela aujourd’hui ? Revenons à notre cher univers numérique :
Sur Internet, les usagers du Net se regroupent et confient une partie de leur libertés à des entités centralisatrices qui fixent des conditions d’usage en échange de services rendus : les plates-formes. En Europe, ces plates-formes sont aujourd’hui pour la plupart des entreprises privées américaines. Dénuées de la légitimité d’avoir été élues démocratiquement, ces plates-formes compensent ce handicap en tissant un lien de confiance avec nous. L’enjeu majeur pour elles : la gestion de notre identité numérique et de nos données personnelles.
Assurer l’indépendance de notre nation ne requiert pas nécessairement d’avoir nos propres plates-formes (c’est très difficile), mais requiert de maîtriser les technologies permettant de les fabriquer. Il est donc crucial de développer au sein de notre pays un capital intellectuel suffisamment massif et à la pointe dans les technologies de l’information pour pouvoir, en cas de besoin suppléer à la carence d’un Google à qui l’administration américaine aurait ordonné de couper la France. Saluons au passage Simplon et l’école 42 pour leurs efforts dans ce domaine.
La mutualisation des ressources dans l’Internet, c’est bien entendu le mouvement libre (“free as in free speech”), mais aussi coté hardware, le développement des infrastructures Cloud.
Autrement dit :
L’indépendance numérique de la France (je laisse au lecteur de juger si cela est synonyme d’indépendance tout court), c’est permettre à tous les Français de confier leur identité numérique ainsi que leurs données personnelles à un acteur totalement indépendant d’influences extra-nationales, et ceci de façon durable. Et tout comme un particulier a le droit de choisir le prestataire chez lequel il héberge ses données, la France, terre d’accueil se devrait également d’accepter les étrangers qui choisissent de lui confier la protection ou le traitement de leur données.
L’indépendance numérique de la France, c’est de disposer de l’infrastructure qui permette à des plates-formes françaises d’émerger et atteindre l’échelle mondiale. Une infrastructure qui ne doit pas dépendre de la FCC ou d’autres organismes extra-nationaux pour leur gouvernance (risques bien réels comme vient de nous le rappeler la récente affaire sur a neutralité du Net).
L’indépendance numérique de la France, c’est soutenir le mouvement libre dans l’infrastructure cloud (Openstack), mais aussi en mettant à disposition une quantité massive de ressources partagées, qui vont contribuer à un équilibre plus sain des forces en présence dans le domaine. Notamment l’inférence d’organismes extra-nationaux dans les services à venir de Quantified Self, Internet of Things et e-Health risque de poser de gros problème à notre régulateur (car comme Lawrence Lessig explique : “code is law”).
C’est la mission de Cloudwatt que de devenir notre champion français sur ces trois enjeux.
Le CEO de Cloudwatt n’est pas le gestionnaire d’une mee-too qui essaierait de profiter d’un nouveau secteur à la mode, en forte croissance, pour capter une fraction du gâteau. Il porte le mandat de protéger l’autonomie de notre pays dans une période où des plates-formes “barbares” s’arrogent, avec notre plein consentement, le rôle de gérer nos vies et garantir notre identité à la place de notre gouvernement.
Bref CEO de Cloudwatt, c’est un job de héros de la nation. “We need you to lead us” comme dirait Seth Godin. J’espère de tout coeur que le successeur de P. Starck se sentira effectivement pleinement conscient de la mission dont il est investi, ainsi que de son enjeu.
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