lundi 29 juin 2015

Le Bitcoin expliqué à mon chef

Comment fabrique-t-on une monnaie que l'on peut s'échanger de par le monde entre personnes qui ne se connaissent pas, sans avoir besoin de se faire confiance ? Voici une petite explication niveau seconde, avec, si vous tenez bien le coup jusqu'au bout, une petite surprise à la fin ! 

Le point de départ est très simple : tous les bitcoins sont numérotés, et on note toutes les transactions dans un seul grand fichier, comme un énorme Grand Livre qui serait commun à tous les acteurs : "le portefeuille ABC donne le bitcoin #123 au portefeuille DEF". Ce Grand Livre fait actuellement 35Go environ, et il se balade sur la toile, n'importe qui peut se le procurer, et grâce à cela retrouver l'historique de TOUS les transferts de bitcoin depuis la création de la monnaie. On l'appelle la blockchain, tout simplement car les transactions sont regroupées par blocs.
Evolution de la taille de la blockchain
Pour effectuer un paiement, il me suffit d'ajouter une ligne à ce Grand Livre. Puisque l'on peut remonter à l'origine des temps, il est très facile en suivant les différents changements de main du bitcoin #123, de savoir si ABC le possède bien au moment de la transaction. En fait, on sait exactement dans quel portefeuille se trouve chaque bitcoin à tout moment.

Pour effectuer ma transaction, je contacte donc n'importe quel ordinateur du réseau, qui déclare posséder un Grand Livre, et je lui demande d'ajouter ma transaction. Il l'ajoute, puis se charge alors d'aller informer toutes les autres machines déclarant posséder un Grand Livre aussi, pour que toutes se mettent à jour.

Jusqu'ici tout va bien. Il me faut juste un "mot de passe" pour indiquer que je suis bien le possesseur du bitcoin #123 au moment de ma transaction, histoire d'empêcher quelqu'un de prétendre le posséder et le dépenser à ma place.

Tous les serveurs possédant le Grand Livre passent donc leur temps à s'envoyer les uns les autres les transactions qu'on leur a demandé d'enregistrer. Mais tous ceux qui possèdent un smartphone savent que la synchronisation est un défi de taille. Que faire si deux serveurs ont enregistré des transactions contradictoires ?
Par exemple, si j'ai indiqué à un serveur à Paris que je donnais le btc#123 à Alice, et au même moment un serveur à Tokyo déclare que je donne le même btc#123 à Bob ? À qui donner raison ?
Surtout que derrière, Alice et Bob auront peut-être donné le btc#123 à d'autres, puis à d'autres... plus les transactions s'accumulent et plus c'est compliqué de détricoter tout cela ! Du coup, le choix qui a été fait pour arbitrer ces problèmes est de conserver la chaîne la plus longue. On résoud ainsi le problème du btc#123 en doublon !

On a éliminé le doublon, soit. Mais comment sait-on qu'on a éliminé la transaction illicite ? Car il suffirait à un opérateur malhonnête de créer artificiellement une suite de transactions très très grande pour imposer sa propre chaîne ! Eh bien il suffit d'imposer une temporisation forcée entre deux transactions. Disons une dizaine de minutes.
Le temps de validation d'une transaction ? Environ 8 minutes !
Mais comment forcer les gens à attendre ? On ne peut pas se contenter bien sur d'une déclaration sur l'honneur. On va demander aux gens de prouver qu'ils ont bien attendu, en les occupant avec la résolution d'un calcul mathématique. Imaginons qu'on souhaite ajouter à la chaine la transaction suivante :

  • le btc #123 est donné par la personne #56 à la personne #87

Eh bien on va inventer un équation qui prend tous ces nombres, par exemple :

  • Trouvez les x tels que : 123x²+56x+87 = 0
Hum, un peu trop facile, me direz-vous ? C'est vrai, essayons plutôt de valider un bloc de 3 transactions d'un coup :

  • le btc #123 est donné par #56 à #87
  • le btc #456 est donné par #5 à #8
  • le btc #789 est donné par #44 à #91
Le défi devient alors :


  • Trouvez les x tels que : (123x²+56x+87)(456x²+5x+8)(789x²+44x+91)= 0

Ah, là on a une équation qui peut bien prendre 10 minutes.. Par contre, il est très simple de vérifier si vous avez bien trouvé la réponse : il suffit de remplacer x par la solution proposée et en quelques additions et multiplications, vous pouvez vérifier si la réponse est bonne !
..en fait on parle de 700 transactions dans un seul bloc !
C'est sur cette asymétrie fondamentale que repose le bitcoin (difficile de trouver la réponse, mais très facile de la vérifier). Celui qui donne la réponse est donc autorisé à ajouter les 3 transactions en question dans la chaîne. Vous noterez au passage que comme les paramètres des transactions servent à définir l'équation, il était impossible faire le calcul d'avance.

Du coup, pour pouvoir imposer sa "réalité" au reste du monde, c'est-à-dire introduire une transaction frauduleuse dans la chaîne, il faut, en gros, disposer d'une capacité de calcul supérieure à tous les autres ordinateurs qui travaillent à valider des transactions. Ce qui est de plus en plus difficile à mesure que le nombre d'ordinateurs entrant dans la danse augmente.
A partir d'avril 2014 commencent à poindre les premiers blocs rejetés
(soit parce que quelqu'un de bien intentionné a continué de valider un bloc qui avait déjà été validé par ailleurs, soit parce que quelqu'un de mal intentionné a essayé de pousser des blocs frauduleux)

Quelques remarques pour conclure afin de nourrir vos diners en ville :

Le Grand Livre "blockchain" n'est pas crypté.
Il est parfaitement en clair, de la crypto y'en a juste un peu aux abords du système pour l'authentification des agents. Bien entendu, si vous donnez à quelqu'un le fichier contenant votre identifiant il pourra disposer de votre argent... et si vous perdez ce fichier, eh bien les bitcoins sont perdus à jamais coincés dans un compte dont on a perdu la clef ! Non, il n'existe pas de Grand Administrateur Général à qui vous pouvez demander de recevoir un nouveau mot de passe par email ... Bien sur, il existe des sociétés qui vous garderont ce fichier dans un coffre virtuel, protégé par un mot de passe qu'ils pourront vous renouveler. Mais vous avez alors là ré-introduit un tiers de confiance...

Big is beautiful
Le système repose sur le fait qu'un seul agent économique ne peut pas réunir sous son contrôle plus de la moitié de la puissance de calcul totale. Bonne chance donc à tous ceux qui voudront lancer un autre système basé sur la même technologie car au lancement vous êtes très vulnérable. Et plus vous imaginez des transactions rares, plus cela prendra de temps d'atteindre la masse critique. Par exemple si vous décidez de consigner dans un Grand Livre ouvert, une blockchain, tous les contrats que des agents économiques se passent l'un à l'autre, atteindre le millioniène contrat prendra beaucoup plus d'acteurs et de temps qu'il a fallu pour atteindre la millionnième transaction financière. On s'échange plus souvent de l'argent que des contrats.

Comment faire la distribution initiale des bitcoins ?
Idée originale : donnons-les à ceux qui travaillent à faire vivre le système ! Lorsque vous validez un bloc de transactions, pour vous remercier de cet effort, on vous attribue 50 bitcoins. Tous ceux qui travaillaient sur la même validation arrêtent alors leur calcul, et, bien entendu, ne reçoivent rien.
C'est ce qu'on appelle "miner du bitcoin", image finalement assez mauvaise pour dire "valider les transactions en bitcoin de tierces personnes". Ce système s'arrêtera bien entendu une fois que les 21 millions de bitcoin auront été distribués. Il faudra alors, pour inciter les mineurs à continuer de valider des transactions, leur payer des frais de virement. Nous en somme aujourd'hui à environ 14 millions de bitcoins distribués et on estime qu'ils seront quasiment tous distribués vers 2030.

Le délai d'une dizaine de minutes pour valider une transaction est là pour rester.
Le protocole tient compte de l'avancée de la technologie et rend les validation plus complexes au fur et à mesure. C'est dans l'ADN système, ne pas espérer que la loi de Moore va raccourcir ce délai.
Evolution de la difficulté de la validation avec le temps
On peut mettre bien sûr imaginer des intermédiaires locaux qui accélèrent les transactions en acceptant de porter le risque afférent pendant les 10 minutes d'attente. Ces intermédiaires étant, de fait, des tiers de confiance, on retrouve ce que justement bitcoin est conçu pour éviter. Pour éviter les 10 minutes, vous vous en êtes remis à une solution centralisée, adossée à bitcoin, certes, mais bien centralisée.

Le point de vue énergétique
Pour chaque transaction candidate, plusieurs machines sont en concurrence pour la valider, mais une seul sort gagnante. Il en ressort un gaspillage de puissance de calcul, et donc d'énergie, qui croit à mesure que l'écosystème grandit. Ce coût énergétique est le prix à payer pour pouvoir effectuer des transactions entre personnes qui :
  1. ne se font pas confiance l'une envers l'autre, ET
  2. n'ont pas toutes deux confiance dans une entité commune qui puisse garantir la transaction (comme un gouvernement ou une multinationale), ET
  3. n'ont pas le temps ou les moyens d'apprendre à se connaître et se faire confiance petit à petit (avec un premier échange peu risqué, puis en allant crescendo).
Si les trois conditions sont remplies, alors bitcoin est bien pratique, et le prix énergétique de la transaction peut se justifier.
Dans tous les autres cas, la solution avec un tiers de confiance sera, par construction, moins coûteuse (ne nous laissons pas berner par le prix actuel d'un virement bancaire ou d'une transaction CB, ce sont des prix marché, pas des coûts...). Et si l'on est prêt à penser que sur le long terme, ce qui est moins coûteux à produire sera moins onéreux à acheter, les transactions avec confiance restent promises à un bel avenir. Pour ma baguette chez mon boulanger qui me dit bonjour tous les matins, quel sens cela pourrait avoir de mettre au travail des dizaines d'ordinateurs éparpillés sur la planète à faire une course de résolution polynômiale pour valider la transaction ? On se connait bien assez pour ne pas avoir besoin de ça !
La force de Bitcoin est donc de rendre possible des transactions financières (flux marchand) totalement dénuées de flux non marchands : pas de sentiments, pas de connaissance, et surtout ... aucune confiance ! C'est un aboutissement dans la recherche d'isolation des flux que Frederick Taylor à initié avec l'Organisation Scientifique du Travail.
J'ose espérer que nous n'aurons pas trop besoin, à l'avenir, d'effectuer des transactions dénuées de toute confiance. C'est tellement plus agréable de se serrer la main au coeur d'une transaction #H2H !

ET LA SURPRISE : en fait, les btc ne sont PAS numérotés avec un identifiant unique comme les billets de banque... c'est juste pour faciliter le propos que j'ai nommé notre bitcoin #123, le héros de nos aventures. Quand vous dites "Je donne un bitcoin à Bob", comme on a dans le Grand Livre tout l'historique de combien vous en avez gagné et dépensés dans le passé, tout le monde peut s'assurer que votre compte est créditeur, sans avoir besoin de savoir de quelle opération vient précisément ce bitcoin que vous dépensez.

Nota Bene : Cet article n'aurait pas vu le jour sans les explications patientes et passionantes de Gregschlom ! S'il vous a plu, faites-lui part de votre reconnaissance en participant à son crowdfunding de champignon magique pour Burning Man 2015 !

dimanche 14 juin 2015

La révolution industrielle vue par les 5 flux

Dans l'épisode précédent nous avons découvert les 5 flux, 2 marchands (matériel, financier) et 3 non-marchands (connaissance, sentiments, confiance), un cadre de référence pour les échanges entre individus. Nous allons maintenant explorer comment utiliser cet outil pour interpréter le monde qui nous entoure. Et pour commencer, un peu d'histoire...

Au début de l'ère industrielle, de nombreux inventeurs se pressaient auprès des détenteurs de capital pour leur faire acheter leurs machines à tisser, leurs moteurs à vapeur, et autres. Elles coutaient fort cher à l'achat, bien sur, peut-être 1000 francs-or, mais avec les gains de productivité, dans 3 ans, on s'y retrouve : une fois la machine remboursée, c'est une aubaine ! Le concept d'investissement, et de retour sur investissement, prend son envol.

Las, les investisseurs ne sont pas tranquilles. Les flux non marchands troublent leur sommeil. Car il faut les opérer, ces machines, c'est sale, c'est fatigant, il y a du bruit et des odeurs, et il faut s'y mettre à plusieurs. La solution évidente est d'embaucher un des paysans qui travaillent la terre, mais s'il est de mauvaise humeur, comment lui faire confiance ? S'il casse la machine dès la première semaine d'utilisation, ce sont 1000 francs-or qui partent en fumée ! Le pauvre hère ne pourra pas rembourser une telle somme, lui couper la tête ne changera rien à l'affaire...

C'est un certain Frederick Taylor qui viendra apporter la solution à ce problème : "La machine, nous allons la placer dans une grande maison" dit-il, "que nous allons construire spécialement pour cette occasion. Nous l'appelerons USINE. Et nous ferons la proposition suivante aux paysans : "Tu es ouvrier maintenant, et voici les règles du jeu : quand tu passes la porte de l'usine tu laisses les flux non marchands à la maison. Pas de Sentiments, ce n'est pas professionnel de pleurer au travail. Pas de Confiance, on va signer un contrat à la place, et pour les Connaissances, celles que nous t'apporteront tu feras semblant de ne pas les connaitre au dehors, comme si elles ne pouvaient pas sortir de ces murs."
Ainsi débarrassé des flux non marchands, l'action peut être planifiée, les hommes, se comportant comme des machines, sont faciles à remplacer. On sanctifie la comformité au processus, et on fait des écoles qui préparent la nouvelle génération à cette organisation scientifique du travail.
Ford arrive dans la foulée et met la dernière touche qui complète le système en permettant aux ouvriers de devenir consommateurs, et la boucle est bouclée, faisant au passage émerger ce mur entre vie personnelle et vie professionelle, entrainant les salariés dans la grande schizophrénie pro/perso.

Le système est tellement efficace que la productivité industrielle explose. Les usines se vident de leurs ouvriers, la maitrise des flux de matière et d'argent devient tellement sophistiquée que ça en est pathologique : les pommes chinoises coûtent moins cher au marché de Montmartre que les pommes d'Alsace, et le secteur financier en vient à s'effondrer sur lui-même par excès de sophistication.
Pendant ce temps, notre maitrise des flux non marchands évolue assez peu. Combien d'amis avait une personne de votre CSP, il y a 150 ans ? Surement pas 10 fois moins.
Le TV-Industrial complex de Seth Godin

Mais Internet vient bouleverser tout cela. Plus généralement, l'avènement du numérique, qui rend l'information liquide :
  • granulaire, elle voyage en toutes petites gouttes, en textes de 140 charactères ou de smiley d'un octet.
  • pervasive, elle se glisse quasiment sans frottements et travers les parois les plus épaisses
  • fluide, elle épouse la forme du récipient, le cerveau récepteur, en s'adaptant au format qui vous conviendra le mieux : texte court, long, image, vidéo..

Or l'information est un conteneur qui peut transporter des émotions, de la connaissance, ou de la confiance. Et la révolution numérique voit l'apparition d'énormes plateformes, des autoroutes de l'information qui deviennent une gigantesque infrastructures à faire transiter les flux non-marchands. A mesure qu'ils s'invitent dans les entreprises, le monde en devient plus transparent, perméable. Les salariés, exposés, se retrouvent en quête de sens, et les entreprises se doivent de répondre à ces aspirations.

La Transition numérique, c'est le retour des flux non-marchands dans l'entreprise
La Transition numérique, c'est l'effondrement de la schizophrénie vie pro / vie perso
(Et ce n'est pas une bonne nouvelle pour tout le monde ...)

lundi 8 juin 2015

Les 5 flux, une approche systémique des échanges humains

Suite à l'épisode précédent nous sommes repartis d'une société faite d'êtres humains qui interagissent entre eux, oubliant temporairement ces concepts compliqués et arbitraires d'entreprises et de personne morale. Penchons-nous de plus près sur ces interactions ; on en distingue de 5 natures différentes.

Depuis qu'on a inventé la propriété privée, les hommes et les femmes échangent des biens matériels. C'est le premier flux, les échanges de matière.
Le troc a bien marché pendant quelques milliers d'années, mais présentait quand même quelques contraintes qui ont amené l'homme à une nouvelle invention : la monnaie. Equivalent symbolique d'un bien matériel, sa manipulation en est bien plus aisée et permet des échanges décalés dans le temps (J'ai des fraises en mai, tu as des pommes en octobre.), ou des échanges à trois parties ou plus. C'est le second flux : les échanges financiers.

A coté de cela, heureusement, car ne sommes pas des robots, nous avons quotidiennement des échanges plus naturels, organiques, que même les animaux connaissent : transactions de sentiment, de connaissance, de confiance.
Lorsque les lions s'approchent du troupeau de gazelles,
le chef, dépositaire de la confiance,
transmet un message de peur avec la connaissance des lions.
C'est ce qui leur sauve la vie chaque jour.
Ces trois dernier flux, nous les qualifions de non-marchands pour trois raisons simples :
 - ils ne sont pas quantifiables. On ne peut pas dire "j'ai 12,45 de confiance dans mon docteur", et puis, ça dépend si on parle de réparer une voiture ou soigner ma toux. L'appréciation de leur quantité est laissée à l'appréciation subjective de chacun, et varie donc grandement d'une personne à l'autre.
 - ils sont abondants. Je n'ai pas besoin d'enlever ma confiance en Paul pour faire confiance à Jacques, et quand je partage une connaissance, avec 10 personnes, je ne l'oublie pas, elle se multiplie.
 - ils sont impermanents. Je ne sais pas de quelle humeur je serai demain matin en me levant.   

Ces trois caractéristiques font des 3 flux non-marchands des grandeurs gênantes pour l'économie, qui est la science de la rareté. Ne se conservant pas hors du corps humain, il est toujours un peu hasardeux de les prévoir et de planifier son action en s'appuyant sur eux. Pourtant, ces grandeurs se travaillent, on peut les développer sciemment, par l'effort, et l'on peut même mettre au point pour chacune plein de différents "trackers", des indicateurs secondaires, qui évoluent dans le même sens et qu'on peut, dans certaines circonstances, considérer comme un bon reflet de la réalité : on peut compter des followers sur Twitter, des albums vendus pour un musicien, etc.  Cependant rien de parfait, rien d'absolu. Et prions pour que ça dure, si le talent était déterministe, le monde serait bien triste.
Une célèbre plateforme consacrée
à 100% aux flux non-marchands.
Oui, mais ...
Non-Marchand n'est peut-être pas le meilleur mot pour les qualifier car on peut bien entendu les "marchandiser" : vendre de la connaissance, de la confiance,  de l'amour... Par exemple, les quelques médecins reconnus comme plus grands experts de leur spécialité, monnayent cette réputation en facturant leur consultation bien au-dessus du barême de la sécurité sociale. Nous appelons ces situation des transactions hybrides : flux de confiance dans un sens, flux d'argent dans l'autre.

On pourrait aussi remarquer que les flux financiers étant des équivalents symboliques de flux d'autre nature, on pourrait les éliminer et s'en sortir avec un modèle à 4 flux. On peut aussi penser enrichir le modèle en cherchant d'autres types de flux. C'est simplement mon expérience pratique qui m'amène à proposer ce modèle à 5 flux, selon le principe de Boucle d'or : "Ni trop, ni trop peu".

Dans cette perspective hautement pragmatique, le terme de modèle n'est pas forcément le plus adapté en ce sens que l'objectif de ce concept n'est pas de refléter au mieux la réalité : il est de fournir un cadre de réflexion qui facilite l'aide à la décision. Il a donc plutôt une vocation d'outil de référence, pour comparer des options et exécuter des choix de vie heureux.

Qu'entend-on par heureux ? Eh bien là non-plus, je ne prétends pas détenir les clefs du bonheur. A défaut, je vous propose de porter nos efforts sur la satisfaction de ceux qui nous entourent, sur les 5 dimensions :
  1. confort matériel, conditons de vie,
  2. confort financier, en l'avenir (les réserves financières sont d'autres flux en devenir)
  3. plaisir quotidien (pas de plaisir sans douleur, il doit bien sur y avoir des moments difficiles)
  4. apprentissage, enrichissement culturel, 
  5. dévelopement relationnel, reconnaissance par les pairs.
Bien entendu, cette satisfaction est toute subjective, il nous faudra donc accepter le ressenti exprimé par chacun, et travailler ensuite ensemble sur comment faire évoluer ce ressenti.

Les 5 flux sont donc un prisme au travers duquel je vous invite à observer vos décisions à prendre dans la vie, petites ou grandes, dans le but de maximiser votre bonheur et celui des gens qui vous entourent.

Dans les prochains billets, nous explorerons au travers d'exemples variés comment cet outil référentiel peut nous aider à interpréter le monde qui nous entoure.

mercredi 3 juin 2015

L'oeuf ou la poule, je sais pas, mais l'homme ou la boite, je sais !

Hier au salon du bien-être au travail, Vincent Avanzi a monté un panel assez barbare, avec Axelle Tessandier et Raphael Thobie. Au menu bien sur du sens, de l'humanité, de l'authenticité, de la génération Y. En conclusion, il nous a demandé comment on voyait l'entreprise de demain. J'ai fait mon coming out : je pars en campagne pour l'abolition du mot "entreprise". A nouveau monde, nouveaux modèles, à nouveau modèle, nouveaux mots.

Salon Vitaelia, Juin 2015
Rappelons-nous que les entreprises, comme les associations et plus généralement tout ce qu'on appelle "personne morale", ne sont pas des vraies personnes, mais de simples conventions sociales, des constructions mentales partagées, qui nous sont fort utiles pour mieux vivre ensemble, fournissant un échelon intermédiaire entre le bien commun (l'air qui est à tout le monde) et la propriété privée individuelle (celle qui fut inventée par le premier homme qui bâtit une clôture autour d'un terrain en déclarant "cette terre est à moi et tout ce qui en sortira sera à moi").
C'est une convention tellement pratique qu'on a fait des lois pour faciliter la manipulation de ce concept, ce qui permet par exemple d'aller ouvrir un compte en banque au nom d'une personne morale, de lui transférer un responsabilité qui limite celle des hommes, etc.
Ce n'était pas la seule option. Par exemple, on aurait pu imaginer collectivement le concept de "cause", convention de l'esprit tout aussi impalpable, déclarer que ces causes existent, et permettre à tout quidam d'ouvrir un compte en banque au nom de l'égalité des sexes, de la protection des rhinocéros... Evidemment plein de problèmes apparaissent, mais il n'est pas prouvé que ces problèmes soient plus complexes que ceux auxquels nous faisons face avec nos "personnes morales".

Quoi qu'il en soit, organisations ou causes, tout cela n'existe pas, ce qui existe, ce que je peux voir et qui éprouve des sentiments, c'est mon prochain. La brique fondamentale de notre société, c'est l'être humain, toutes les constructions autour sont là pour le servir.

Je vous propose donc de revenir à l'échelle de l'homme, et de ses échanges. Nous verrons de là comment a émergé le modèle de "boite", d'entreprise, et de là, le secret de l'efficacité de l'approche taylorienne.

Puis, en examinant l'impact des nouvelles technologies sur notre monde, je vais essayer de vous convaincre au travers des quelques prochains articles, que la transformation numériques est une dé-taylorisation de l'économie, une dé-fordisation de la société.